Broad Way
« de 27 »

Siem Reap, 245 000 habitants, Nord-Ouest du Cambodge. Située entre le grand lac du Tonle Sap et la chaîne des monts Kulen, la ville, surnommée la “Cité des temples”, n’est qu’à quelques encablures des monuments d’Angkor. Des millions de visiteurs s’y pressent chaque année, attirés par la magie du lieu classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Le “mystère” qui imprègne le site, son atmosphère, sa majesté, son architecture, sa charge religieuse et le fait qu’il abrite les vestiges d’une civilisation grandiose font partie des raisons qui ont poussé en 2019 2,2 millions de touristes à fouler les dalles de latérite millénaires.

Ce tourisme de masse n’est pas sans soulever des interrogations liées à la conservation du site. Déjà soumises à rude épreuve par les fortes pluies de la mousson, les vieilles pierres, par l’action des visiteurs, s’érodent, se patinent, qu’il s’agisse des structures ou des sculptures. Apsaras et Devatas, figures féminines à la beauté divine, suscitent les effleurements de milliers de mains polissant leurs seins. Chaussées et escaliers se creusent quant à eux, subissant des caresses moins sensuelles mais tout aussi ravageuses.

Ces inconvénients sont relativisés face à la manne financière que représente cette foule venue des quatre coins du monde. Le tiers du PIB du Cambodge dépend du tourisme, un chiffre qui s’avère encore plus élevé dans la Cité des temples, qui constitue la principale destination touristique du pays. La plupart des visiteurs se rendent ici pour une courte durée, deux à trois jours le plus souvent, centrés presque exclusivement autour de la visite du parc archéologique. Depuis quelques années les secteurs tant public que privé ont entrepris de larges efforts afin de diversifier les activités et tâcher de retenir plus longtemps la nasse.

L’une des conditions nécessaires à cela passe par la modernisation des infrastructures. A ce titre, une vaste campagne de travaux a été mise en œuvre depuis le mois de novembre 2020, visant à la fois à renouveler le réseau de canalisations et à percer ou élargir pas moins de 38 rues. Avant que les tractopelles n’envahissent la ville, les habitants ont dû se livrer à de spectaculaires préliminaires. Les demeures empiétant sur le domaine public ou sur le tracé prévu ont dû disparaître en l’espace de quelques semaines, mettant souvent toute la famille à l’ouvrage pour effectuer le labeur. Puis des tranchées sont apparues, des bulldozers ont remué la terre, le tout dans les nuages de poussière projetés par une noria de camions. Si tout se déroule comme prévu, ce gigantesque chantier se conclura à la fin de 2021.

Tout cela sans dommage pour le tourisme, car la période durant laquelle les visiteurs arpentaient les rues est à présent gelée par la pandémie en cours. Personne ne sait exactement quand ces derniers reviendront, mais il est sûr que les temples d’Angkor continueront d’exercer leur fascination. La ville de Siem Reap aura alors profondément changé. En sera-t-elle plus belle ?